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Premiers émois

De ses premières années, elle gardait l’empreinte d’un amour inconditionnel et juste. Puis, plus rien. Un trou noir. Son père l’avait conduite directement de la maternelle, où il était exceptionnellement venu la chercher avant l’heure des mamans, chez sa grand-mère qui lui avait annoncé avec beaucoup de douceur que sa maman était partie au ciel, qu’elle ne reviendrait plus. Accident d’avion. Elle ne comprit rien. Ne se souvint de rien. Sa nouvelle école lui plaisait. Elle y trouvait assez de distraction pour ne pas remarquer que le visage de sa mère s’était effacé de sa mémoire. Comme beaucoup d’enfants, elle trouvait chaque jour de nouveaux amusements, et n’attendait rien d’autre de la vie que ce qu’elle lui apportait déjà généreusement.

 

Un jour, son père arriva, accompagné d’une jeune femme dont la beauté parfaite réveilla immédiatement chez la petite fille un amour enfoui mêlé à une admiration sans borne. Il lui annonça qu’il venait la chercher pour l’emmener vivre dans sa nouvelle famille. Ses bagages, déjà prêts, l’attendaient dans la voiture. Après dit au revoir au chat qui s’étirait voluptueusement au soleil, elle quitta sans trop de regrets la demeure chaleureuse mais routinière de ses dernières années, tout excitée à l’idée de cette vie nouvelle qui s’annonçait.

 

En même temps que d’une maison pleine de lumière et de portes qui claquaient, elle héritait de deux sœurs, sensiblement du même âge qu’elle, que sa nouvelle mère avait eues très jeune, l’une par imprévoyance, l’autre par accident, mot dont elle ne comprit pas bien le sens. Des trois chambres à coucher dont disposait la maison, ses sœurs, par la force des choses, se partageaient la plus grande, ouverte au sud par une grande baie vitrée. Ses parents lui avaient réservé la plus petite, une chambre charmante, à côté de la leur, avec un bureau et des étagères pour ses poupées, une fenêtre donnant à l’ouest obscurcie par un arbre. Probablement par souvenir de la douce chaleur du chat de sa grand-mère contre lequel elle se pelotonnait, elle prit l’habitude de poser un pouf devant le grand radiateur du séjour sur lequel elle venait se chauffer le dos. « Que tu es menue et falote ! lui disait sa nouvelle mère. Il va falloir te remplumer un peu si tu veux plaire aux garçons. » Et son nom si long d’Alexandra, devenu Sandra par commodité depuis tant d’années, se transforma dans la maison en Cendrette, par allusion à la pâleur de son teint qui lui faisait chercher la chaleur.

 

Elle gardait l’habitude, prise chez sa grand-mère, de mettre le couvert, faire la vaisselle, aider à monter les courses, ranger sa chambre, et était fort surprise du désœuvrement de ses sœurs. La plus âgée, très jolie avec ses longs cheveux noirs brillants, laissait trainer partout ses innombrables teeshirts, jeans, pulls multicolores dont Sandra n’aurait jamais osé s’habiller tant elle craignait qu’on la remarque. Par peur que son ainée ne perde une fois de plus le sourire en se faisant gronder par sa mère, la fillette prit l’habitude de ramasser tous les vêtements qui trainaient dans le séjour, la salle de bain, et même dans la chambre de ses sœurs quand celles-ci l’autorisaient à entrer. Les samedis où leur mère s’absentait, elle prenait plaisir à faire tourner une machine, sécher, repasser, pour que l’ambiance soit joyeuse à son retour.

 

Mais c’était compter sans sa seconde sœur, à peine plus jeune, mais d’une humeur inversement proportionnelle à celle de l’ainée. Toujours habillée de noir de la tête aux pieds, les cheveux gras et ternes, les lacets de ses Doc Martens toujours défaits, elle avait des mots plus gentils pour les portes qu’elle ne savait que claquer que pour ses parents et ses sœurs. Ronchon, grognon, elle ne se gênait pas pour donner en douce des coups de pied à Cendrette, qui n’osait rien dire de peur d’envenimer la situation. «Pauvre cruche, t’es vraiment trop. Tu vois pas qu’i t’exploitent à donf. Ils ont qu’à prendre la femme de ménage plus longtemps. Des rapiats ! » Sandra allait se coller le dos au radiateur pour laisser passer l’orage. « Et en plus, tu dis rien ! Mais, qu’est-ce qu’elle t’a appris, ta grand-mère ? » Bon an mal an, elle s’habituait à sa nouvelle famille.

 

Un nouveau Noël approchait. Il fallait faire sa liste. L’ainée était tout excitée à l’idée d’avoir enfin son ordinateur portable perso grâce auquel elle pourrait entretenir sans surveillance son réseau d’admirateurs et de blogueuses fashionistas. La seconde fit une scène mémorable le soir où sa mère lui fit remarquer que les CD hard metal et les DVD gore (qu’elle demandait en plus d’un lecteur DVD avec écran autonome) n’étaient peut-être pas vraiment de son âge. Sandra, elle, attendait avec impatience la collection complète de Harry Potter et une nouvelle housse de couette plus mode.

 

Quelques jours avant Noël, le jeune frère de leur mère annonça qu’il organisait une grande soirée pour le réveillon du Nouvel An, qu’il les invitait tous. Il y aurait plein de monde, un buffet géant, de la musique et de la danse jusqu’au matin. L’ainée des filles décréta, après avoir mis son armoire sens dessus dessous, qu’elle n’avait absolument rien à se mettre de correct pour une telle soirée. Il lui fallait une robe, des chaussures, du maquillage, un vernis… La seconde bougonna qu’elle aurait préféré aller avec ses potes. Mais devant le refus pour une fois ferme de ses parents, elle sortit de la pièce en maugréant, se faisant promettre qu’elle pourrait s’habiller comme elle voudrait. Sandra n’osait rêver d’un fourreau de soirée scintillant comme elle en habillait ses poupées quand elle était plus petite, elle se contenterait d’une de ces robes sages que sa grand-mère lui achetait jusque-là pour les réveillons en famille.

 

«Mais, Cendrette, tu n’y penses pas ! Tu ne peux pas venir avec nous, c’est impossible. Tes grands-parents t’attendent pour le Nouvel An. Ils nous ont fait promettre, quand tu les as quittés, que tu reviendrais régulièrement les voir, et que tu passerais le Nouvel An chez eux, où tous tes cousins sont réunis. » Elle ravala ses larmes, mais son visage se vida de son sang. «Et, de toute façon, tu ne pourrais pas aller à cette soirée, tu serais trop fatiguée. Tu as vu comme tu es blanche ? Et puis tu t’ennuierais, avec la musique à tue-tête, et que des gens que tu ne connais pas. » L’arrêt était sans appel. Son père, dont elle espérait quelque secours, se contenta d’acquiescer en replongeant dans son ordinateur.

 

Persuadée qu’il n’y avait plus rien à faire, Sandra se prépara au départ tout en aidant ses sœurs à choisir leurs tenues. Elle s’amusa beaucoup de la tournée des boutiques du centre commercial. Sa sœur ainée était magnifique dans une minirobe scintillante sur de hauts talons ; la plus jeune opta presque avec le sourire pour une tunique en satin noir sur un jean noir, et alla même jusqu’à se faire rafraichir les cheveux. Dans une des bijouteries fantaisie à la mode, Sandra s’arrêta devant une paire de pendants d’oreilles dorés en forme de bouquet de roses qui réveillaient chez elle un souvenir aussi lointain qu’indéfinissable. Voyant la convoitise avec laquelle elle regardait ce bijou, sa plus jeune sœur lui lança : « Tu vas quand même pas mettre une horreur pareille ! T’es déjà assez moche ; c’est pour  ça que maman veut pas que tu viennes à la soirée, elle a peur que tu nous fasses honte. » Sidérée par cette humiliation gratuite et méchante, elle restait ébahie quand sa sœur ainée vint à sa rescousse : « Mais qu’est-ce qu’elle raconte encore, celle-là ? N’importe quoi ! Elles sont super jolies, tes boucles ; essaie-les, je te les offre ; je dirai que nos affaires ont couté un peu plus cher, personne n’y verra rien. »

 

Quand ses grands-parents vinrent la chercher, quelques jours plus tard, les boucles étaient en bonne place, dans leur écrin, au fond de sa valise. Même si elle n’avait pas d’occasion pour les porter, elle pourrait toujours les regarder de temps en temps comme un talisman porte-bonheur. L’excitation de la période des fêtes, la joie des retrouvailles avec ses cousin et cousines, les délicieux chocolats que ses tantes avaient apportés lui firent oublier la tristesse de ses derniers jours chez elle. Elle avait reçu en cadeau une magnifique collection de livres reliés plein cuir, des classiques faits pour durer, lui avait dit son oncle, et une jolie tenue à la mode, une tunique ethnique multicolore sur un pantalon noir étroit, qui donnait une élégance inouïe à sa silhouette menue et déliée. A l’essayage, elle sembla métamorphosée, et si heureuse qu’elle plia ses nouveaux vêtements avec précaution sur la chaise près de son lit, ne sachant pas bien quand elle l’aurait l’occasion de les étrenner.

 

Les jours passaient, emplis de rires et de jeux, annonçant un réveillon du Nouvel An plein de gaité comme d’habitude. Sa grand-mère, soudain bizarre comme si elle lui cachait quelque chose, l’appela : « Sandra, viens par ici. Tu sais, cette année, ça ne va pas être comme d’habitude, le réveillon. Tes cousines, qui commencent à être grandes, vont chez une copine pour la soirée, et la nuit d’ailleurs. Et ton cousin, maintenant qu’il a son permis, vient juste de se faire inviter, lui aussi. » La terre s’ouvrait sous ses pieds. Elle passerait la soirée du Nouvel An seule avec ses grands-parents. Ses oncles et tantes avaient l’habitude, depuis longtemps, d’aller réveillonner avec leurs amis, laissant les enfants tous ensemble chez les grands-parents. Cette année, tous seraient de sortie, sauf elle ! Les larmes commençaient à couler, les mots se bloquaient dans sa gorge. Elle s’écroula sur le canapé, pelotonnée contre le chat. Le soir commençait à tomber. Les effluves qui se dégageaient de la cuisine ne l’atteignaient plus, aucune consolation ne lui était accessible.

 

« Qu’est-ce que tu fais là, petite cousine ? Tu ne vas pas pleurer le soir où on change d’année, ça porte malheur. Je t’ai vue ce matin, tu étais si jolie, dans tes beaux habits. Tu sais que c’est moi qui ai conseillé maman ? Allez, va te coiffer et te faire belle, je t’enlève ; prends le maquillage de tes cousines, tu vas voir, tu vas être super !

-          Mais où tu m’emmènes ?

-          Secret ! J’ai une voiture ce soir, et je compte bien en profiter, on va dans un endroit génial, surprise ! »

Quand elle sortit, un bon quart d’heure plus tard, de la salle de bain, élégante et resplendissante avec ce turban doré dont elle s’était entortillé les cheveux, sa grand-mère marqua un temps d’arrêt :

« Que tu es belle ! Mais tu ne sors pas pourtant, c’est pour nous, cette métamorphose ?

-          Si, Mamie, je l’enlève pour ce soir. Elle ne va pas rester à pleurer ici, toute seulette ; elle vient avec moi à la soirée.

-          Mais…

-          Il n’y a pas de mais, je suis assez grand pour la surveiller, que je sache. Je te la ramènerai saine et sauve, rassure-toi !

-          Tu exagères… tu as toujours de ces idées… bon, allez… je te fais confiance ! Mais, permission de minuit seulement. A une heure, sans faute, je veux qu’elle soit au lit. A son âge, c’est amplement suffisant.

-          Juste le temps des baisers de nouvelle année, et je la ramène aussitôt après, promis juré ! »

 

Ils montèrent dans la voiture. Sandra vérifia que ses boucles d’oreilles étaient bien fermées, et un petit quart d’heure plus tard, ils arrivèrent devant une magnifique allée éclairée de mille feux. Au fond de l’allée, elle n’en croyait pas ses yeux, un château avec des tours aux quatre coins, et des fenêtres hautes, hautes… Un vrai conte de fées !

 

Dès qu’ils eurent garé la voiture, ils s’approchèrent de la porte d’entrée. Des groupes entraient, sortaient, des fumeurs stationnaient près des vasques, bravant stoïquement le froid piquant pour satisfaire leur addiction. Des flots de musique les portèrent vers la salle de réception. Sa cousin la présentait à toutes ses connaissances quand un magnifique jeune homme à l’allure princière, de longs cheveux bruns bouclés sur un visage d’ange, lui prit la main : « Mademoiselle, me feriez-vous l’honneur d’une danse ? » Etourdie, elle se tourna avidement vers son cousin : que faire ? « Ne crains rien, va danser, amuse-toi, je veille au grain ! » Les danses se succédaient, son cavalier la soulevait avec grâce et fermeté pour des rocks endiablés qu’elle avait l’impression d’avoir toujours su danser, il la serrait délicatement contre elle pour des slows langoureux durant lesquels elle ne pouvait détacher ses yeux des siens.

 

 Il profita d’une courte interruption de la musique pour lui offrir un jus de fruit au buffet. « A moins que tu ne préfères une coupe, ou une bière ? Moi, je ne bois jamais d’alcool, mais si tu aimes, n’hésite pas, il y a tout ici ». Elle tendait la main vers un simple jus d’orange, elle avait bien assez d’émotions pour ce soir, quand elle vit s’avancer deux silhouettes familières qui louchaient sur son splendide cavalier. Ses sœurs ! Elle essayait de se tourner pour ne pas être reconnue quand elle s’aperçut que celles-ci la fixaient depuis un moment sans avoir deviné qui elle était ; le maquillageavait été efficace, certes, mais ses sœurs semblaient surtout tellement hypnotisées par le bel inconnu qui avait jeté son dévolu sur elle qu’elles n’imaginaient évidemment aucune ressemblance possible entre leur Cendrette quotidienne et cette splendide jeune fille si adulée.

 

Leur verre prestement avalé, son cavalier, balayant d’une pichenette tous ses concurrents, l’entrainait de nouveau sur la piste, remarquant à peine sur leur passage les compliments à peine discrets. Sandra en oubliait ses grands-parents, seuls chez eux en ce soir de fin d’année, son cousin, dont la gentillesse légendaire trouvait un nouveau point d’ancrage en une belle blonde aux formes généreuses. Elle dansait, virevoltait, s’émerveillait… Toute la salle n’avait d’yeux que pour eux, que pour elle, c’était bien la première fois qu’elle suscitait une telle admiration. La devait-elle seulement à cette tenue et à ce maquillage si nouveaux ? Ou à une transformation plus subtile, plus profonde, celle du premier regard d’un homme sur elle ? Elle ne savait comment qualifier ce sentiment fluide qui l’envahissait, elle si jeune et inexpérimentée. Elle en jouissait tout son soul car, même si elle en repoussait l’idée, elle savait bien que la minuit l’éloignerait inexorablement de ce château et de son prince !

 

Changement de musique. La marche nuptiale de Mendelssohn, crachée par dix hauts-parleurs, arrêta net les danseurs. Et des chants montèrent ; tous s’embrassaient, se congratulaient, se souhaitaient tout le bonheur du monde… « Viens là, ma princesse, que je t’embrasse. Tu vois que tu as eu raison de venir ! » Son cousin n’eut pas le temps de la serrer dans ses bras bien longtemps que son cavalier l’attirait à nouveau vers lui et dirigeait ses lèvres d’abord vers sa joue, puis vers ses lèvres ; elle ne savait comment lui résister, bien persuadée pourtant que c’était aller un peu vite en besogne. Elle avait eu la permission de minuit, pas d’embrasser un garçon. La voix de sa grand-mère revint à ses oreilles, elle se ressaisit et glissa à son amoureux qu’elle devait partir, qu’elle avait déjà eu de la chance de pouvoir venir, maintenant il fallait que son cousin la raccompagne, sinon sa grand-mère n’aurait plus jamais confiance en elle, et elle ne serait plus qu’une cendrillon.

 

-           Mais attends un peu, donne-moi au moins ton nom, ton téléphone ? Comment je vais faire pour te retrouver, sinon ?

-          Non, beau prince, mon cousin m’attend, la voiture arrive, je dois me sauver ; le rêve est fini, je dois rentrer dormir maintenant. Adieu ! 

 

Et, sur ces mots, elle esquiva son dernier baiser et quitta à toute vitesse le château, montant en marche dans la voiture qui avançait au bout de l’allée. Ouf, l’honneur était sauf, elle serait à l’heure ! Elle entendait vaguement les paroles de son cousin qui la berçaient sans qu’elle soit en état d’en saisir le moindre mot. Que raconterait-elle à sa grand-mère ? Après tout, cette belle rencontre pouvait bien rester son secret, ce n’était pas son cousin qui la moucharderait. Elle avait encore le temps du retour pour se ressaisir. Ensuite, il lui resterait un beau souvenir qui nourrirait ses rêves. Toute à ses pensées, elle se prélassait sur le siège du passager quand elle poussa un léger cri : elle venait machinalement de porter sa main à son oreille, une de ses boucles avait disparu ! Comment la retrouver ? Que dirait sa grand-mère ? Et surtout sa sœur ainée qui les lui avait offertes ? Elle ravala son inquiétude ; son chauffeur, tout à sa conduite et à son bavardage, n’avait rien remarqué. Elle trouverait bien quelque chose !  Ils arrivaient. Il la déposa devant la porte d’entrée de la maison à minuit et demi pile. Elle embrassa ses grands-parents pour leur souhaiter une bonne année et monta vite vers sa chambre.

 

Après une toilette plus longue que d’habitude pour enlever ce maquillage qui lui avait fait vivre un soir de rêve, elle fut vite emportée par le marchand de sable dans un sommeil dont sa grand-mère, venue la border, n’aurait pas deviné qu’il pût être traversé de songes bien peu enfantins. Ce baiser du prince l’avait imperceptiblement fait passer de l’autre côté du miroir. Elle ne serait plus la même, mais savait bien pourtant qu’il faudrait oublier, revenir à ses jeux et à ses études, plus conformes à son âge. Pour le déjeuner du lendemain midi, sa grand-mère avait mis les petits plats dans les grands. Ses cousines babillaient, racontant à qui voulait l’entendre, ou ne pas l’entendre, la « merveilleuse soirée » qu’elles avaient passée chez leur amie. « Et, toi, Sandra ? tu racontes rien ? c’était si nul que ça, ta sortie ? c’est vrai que vu l’heure où t’es rentrée, t’as pas dû beaucoup t’éclater…» Surprise soudain par ses capacités de dissimulation, elle lâcha un « bof ! rien de bien génial ! » qui éveilla chez son cousin un sourire complice et rassurant, elle n’avait rien à craindre.

 

La fin des vacances s’annonçait, ses parents revinrent la chercher, elle retrouva avec plaisir sa maison, sa chambre, ses livres. Elle avait encore un petit peu de temps avant de reprendre les cours. Ses sœurs l’accueillirent chaleureusement, même la cadette était intarissable ; cette soirée de réveillon qu’elles avaient passées, géniale ; la musique, le buffet, tout ! Et surtout, au début, il y avait un type magnifique, beau comme un dieu, toutes les filles étaient amoureuses de lui ; c’était un chanteur, pas encore très connu mais assez pour entretenir un sacré fan club sur Facebook. Mais voila qu’il avait passé tout son temps avec une fille que personne ne connaissait, très mince, sublime, habillée et maquillée, tu le croirais pas, la classe ! Et puis, à minuit, elle avait disparu, et lui, inconsolable, était parti peu de temps après. Quelle tanche ! Maintenant qu’il était seul, il aurait pu en profiter pour en draguer d’autres ; et bien non, Monsieur faisait la fine bouche et se barrait !

 

Voila notre Sandra rassurée, elle était restée incognito, ni ses sœurs ni ses parents n’avaient rien deviné. Elle avait gagné de savoir qui il était, mais pour quoi faire ?  Elle savait bien qu’ils n’avaient aucune chance de se revoir. Elle allait pouvoir reprendre sa petite vie, gardant pour elle ses rêves les plus secrets. Du reste, il était temps qu’elle revienne, sa mère était dépassée, la femme de ménage avait pris des vacances pendant les fêtes, les affaires de ses sœurs trainaient partout, et Sandra, habituée au calme de la maison de sa grand-mère, avait besoin de ranger autour d’elle pour que sa tête retrouve un peu d’ordre. Quand elle eut fini, elle retrouva sa place devant son radiateur et du temps pour laisser son âme vaguer.

 

-          Ma pauvre Cendrette, tu as une drôle de mine, tes yeux sont brillants, tu n’as pas de fièvre au moins ?

-          Mais non, maman, j’avais juste un peu froid en lisant dans ma chambre ; mais ça va mieux déjà, j’ai retrouvé ma place préférée !

-           Toi, au moins, tu ne me donnes pas de soucis, toujours studieuse ; je suis bien sure que tu te trouveras un bon métier, avec toutes tes qualités. Un homme, ça je ne sais pas, ou alors il faudra t’embellir un peu ! Mais tu pourras au moins te suffire à toi-même.

 

Sandra retrouva vite l’héroïne dont cette conversation l’avait éloignée quelques instants ; sa belle-mère aurait certainement été surprise de la voir plongée dans Jane Eyre plutôt que dans un de ses livres de classe ou de ces romans édifiants pour la jeunesse dont elle était plus accoutumée. Le cadeau de son oncle pour le nouvel An, fait pour durer, recélait des trésors qu’elle avait bien l’intention de garder pour elle, et de toute façon ses sœurs y seraient à coup sûr insensibles. Elle se surprenait, depuis quelques jours, de sa capacité de dissimulation ; elle ne mentait pas, s’accommodant plutôt d’une réalité qu’elle apprenait à organiser à son avantage. Personne n’avait remarqué la disparition de sa boucle d’oreille ; il allait falloir qu’elle trouve une parade si on lui posait la question.

 

-          Maman, ça y est, il m’a acceptée comme amie ! c’est géant !

-          Mais enfin, qu’est-ce que tu dis ? Depuis quand faut-il se faire accepter pour être amis ?

-          T’es vraiment out, c’est pas possible, maman, à ton âge pourtant ! C’est comme ça sur Facebook, tu sais bien !

-          Désolée, j’avais oublié à quoi tu passes tes journées maintenant. D’ailleurs il va falloir diminuer bientôt, avec l’école qui reprend. Et qui est l’heureux élu, à cette heure-ci ?

-          Il peut y en avoir qu’un, ça fait deux jours que j’attends sa réponse, c’est Léo Leroy, le chanteur, celui de la fête ! Tu verrais les photos qu’il a sur son profil, à tomber ! Maintenant qu’on est amis, je vais pouvoir lui envoyer des photos, il va peut-être me filer un rancart.

-          Eh, doucement ma fille, t’es bien jeune pour ce genre de plans ; on se calme !

-          Regarde, il vient de publier une nouvelle info sur son mur, il cherche une fille pour faire un disque avec lui ; il a des critères assez précis, pas une chanteuse professionnelle, mais il dit qu’il la reconnaitra à un signe, qu’elle seule pourra trouver ! Il faut que j’en sache plus…

-          C’est ça, ma fille, amuse-toi bien, mais reste un peu à distance quand même…

 

Sandra, apparemment absorbée par sa lecture, n’en avait pas moins entendu les dernières phrases de sa sœur qui avaient réveillé une chaleur oubliée au creux de sa poitrine. Elle baissa la tête vers son roman pour que personne ne remarque le léger rougissement qui avait gagné ses joues. Après avoir éloigné son dos du radiateur, elle s’accroupit devant son pouf, position légèrement avachie qui, si elle était inhabituelle chez elle, pouvait encore passer inaperçue vu le peu d’intérêt que l’on portait dans cette maison à ses activités, hormis quand elle pouvait être utile. Elle pouvait se faire oublier quelques instants, elle en profitait. Les cours allaient reprendre le lendemain, toute contente de retrouver ses professeurs, elle sentait pourtant qu’elle devait se méfier de ses camarades de classe, le statut de bonne élève n’était décidément pas facile à porter !

 

Une semaine venait de s’écouler, riche en expériences nouvelles. Elle avait mis au point une technique imparable qui, sans nuire à son statut de tête de classe, lui permettait de pallier l’ennui de cours qui n’avançaient pas, les professeurs bloquant sur ce désintérêt à la mode affiché par ses congénères. Un roman l’accompagnait partout, puisé dans sa nouvelle collection de classiques ; en classe, elle le coinçait sur ses genoux, ou sous la tablette de son bureau, et elle arrivait sans peine à s’absorber dans sa lecture tout en suivant le cours. Capacité de mener de front plusieurs activités omniprésente chez les ados, certes, mais plus souvent usitée pour surfer sur son portable ou son baladeur que pour satisfaire sa soif de lecture ! Après Jane Eyre et les Hauts de Hurlevent, elle vivait désormais jour et nuit avec Emma Bovary.

 

« Bonjour ma fille, décidément, à toi toute seule tu contrebalances  toutes les statistiques actuelles sur les jeunes et la lecture ! » Son père venait d’entrer dans sa chambre, évènement assez rare pour qu’un regard interloqué la tire de sa concentration rêveuse. « Viens là que je te regarde. Tu as drôlement grandi. Toujours aussi mince, ça, si tu n’étais pas ma fille je dénoncerais l’influence de l’anorexie galopante chez les ados. Tu sais que tu ressembles de plus en plus à ta mère ! »

 

 Sa mère ? Aussi loin qu’elle cherchât, elle ne s’en connaissait pas d’autre que son actuelle. Elle avait vécu plusieurs années chez ses grands-parents avant d’être ici, elle leur restait très attachée. Quel rapport ? Peut-être était-il temps de questionner son père, mais comment s’y prendre ? Par quoi commencer ?

 

Pas le temps, il était déjà sorti de sa chambre. Son regard se porta sur l’arbre dont les branches barraient sa fenêtre. Le chat blanc, dont la présence au creux du tronc lui était maintenant familière, la fixait de ses yeux verts. « Tiens, Alexandra, j’avais conservé quelques souvenirs de ta mère pour te les remettre quand tu serais grande ; je crois que le moment est venu maintenant. Il y avait quelques bijoux, ils te reviennent. Elle possédait aussi beaucoup de vêtements, très beaux, mais je n’ai pas eu le cœur, je les ai tous donnés, sauf cette robe et cette écharpe. »  Sidérée, Sandra, oubliant toutes ces questions qui affluaient à son esprit quelques minutes plus tôt, fixait ce fourreau rouge digne de Marylin.  « Allez, essaie-la, je me retourne ; je ne serais pas étonné qu’elle t’aille aussi bien qu’à ta mère ! » La jeune fille s’exécuta, tout étonnée d’enfiler avec autant de facilité cette soie bouillonnée qui se collait divinement à sa peau. L’écharpe, vaguement entortillée autour de ses cheveux, lui donnait cette allure de Cléopâtre dont elle-même aurait été surprise si elle avait pu se voir dans un miroir. « Ouawww… superbe ! Il va falloir maintenant te surveiller quand tu vas sortir dans le grand monde ! Bon, range tout ça, je te raconterai plus tard. » Et le voila reparti. 

 

Affublée dans la même minute d’une mère inconnue et d’une allure de vamp, elle prit peur, une angoisse lancinante qui nouait sa gorge encore plus que le cordon pourpre de l’écharpe qu’elle portait quelques instants plus tôt. Elle rangeait soigneusement la robe dans cette housse qui semblait avoir arrêté les années, quand elle se souvint du coffret à bijoux que son père avait posé sur son bureau. Elle l’ouvrit avidement pour voir s’il contenait un souvenir plus personnel, une photo, un portrait dans un pendentif qui lui aurait permis de donner un peu de réalité au visage de cette mère dont aucun souvenir n’émergeait à sa conscience. Rien. Des bracelets. Des colliers tour de cou. Même pas l’once d’humanité d’un camée. Des boucles d’oreilles, des dormeuses, des pendants. Tiens, sa boucle dépareillée en forme de bouquet de rose ; mais non, elle avait dû se tromper ; comment aurait-elle pu se trouver là ? Elle regarda au fond du coffret, il y en avait deux ; et beaucoup plus belles que les siennes, en or, le poinçon y était, et surement avec des rubis et des diamants pour les boutons et les pétales, au lieu de pierres colorées et de strass! Coïncidence ? A y regarder de plus près, elles étaient assez différentes, celles-ci étaient un peu plus petites et plus effilées ; mais elles pouvaient donner le change. Elle était sauvée. Elle l’avait trouvée, sa parade aux questions qui n’allaient pas tarder. Elle cacha la boucle dépareillée dans une poche du petit sac à dos qui ne la quittait jamais et le tour était joué !

 

« Sandra, viens voir ! » Elle émergeait juste d’une nuit pleine de rêves ; sa sœur ainée qui était réveillée avant elle, et qui de surcroit l’appelait Sandra, grande nouveauté ! Qu’avait-elle à se faire pardonner ?

 

-          Viens voir, j’ai reçu ma confirmation !

-          Qu’est-ce qui te prend, tu es tombée de ton lit, ce matin ? De quoi tu parles, de quelle confirmation ?

-          Mais si, tu sais bien, Léo Leroy, le chanteur, j’en ai parlé l’autre jour, t’étais là, il m’a acceptée comme amie, et maintenant il lance un rassemblement Facebook, il cherche une fille pour l’accompagner sur son prochain disque, il invite toutes les filles de son réseau…

-          Et qu’est-ce que je viens faire là-dedans, moi ? J’ai pas de facebook, j’suis pas dans son réseau.

-          Je t’invite, toutes les copines sont invitées, c’est la règle. A la fin du rassemblement, il désignera la lauréate qui sera sur son prochain disque grâce à un signe qu’elle devra reconnaitre. Un vrai conte de fées !

 

Sandra sentait poindre le traquenard. Elle avait peu de chance d’être reconnue parmi une foule de filles déchainées et beaucoup plus délurées qu’elle. Mais dire qu’elle se sentait à l’aise ! Et pourquoi cette insistance de sa sœur pour l’emmener ?

 

-          Oh, ma Cendrette, je t’en supplie ; maman ne me laissera jamais y aller seule ; elle a une peur bleue d’internet, elle est persuadée que je vais faire des rencontres bizarres et pour le moins me faire violer. Alors si je demande à y aller avec vous deux, toi surtout, la  plus sérieuse, ça passera mieux.

-          Mais, c’est où ? J’n’y connais rien à tes histoires de rassemblement ? Où est-ce que ça a lieu ? Dans la rue ? Sur une place ? Comment vous faites pour vous retrouver ?

-          Non, il a réservé le gymnase du Pont d’Amour ; c’est surement moins classe que le Palais des Congrès, mais moins cher aussi, il débute, il ne peut pas non plus dépenser une fortune pour ce rassemblement. Allez, tu viens, dis oui !

-          Bon, si les parents sont d’accord, pourquoi pas, après tout ! Il faut s’habiller comment ? Normal ? Classe ? T’as une idée ?

-          Oh, on verra ça après. Première étape, l’autorisation !

 

Celle-ci ne fut pas difficile à obtenir, malgré les inquiétudes des sœurs. Leurs parents, rassurés par le fait qu’elles y allaient toutes les trois, avaient peu hésité, surtout quand ils avaient compris que ce rassemblement avait lieu de jour, le samedi après-midi, et qu’il fallait montrer patte blanche, chaque « invitée » devait avoir imprimé le coupon spécial avec son nom délivré sur le blogue du chanteur. En allant surfer dessus, ils avaient appris qu’un service d’ordre important était déployé, les craintes étaient donc minimes. Elles n’avaient donc plus qu’à se préparer, les essayages allaient bon train, les vêtements jonchaient les lits et le sol, l’excitation augmentait au fur et à mesure que la semaine avançait. Sandra aidait ses sœurs à choisir, elle les conseillait sur ce qui allait bien ensemble.

 

-          Et toi, qu’est-ce que tu vas mettre ? T’avais pas eu une tunique, de ta tante, pour Noël ?

-          Si, avec un pantalon, mais j’oserai jamais.

-          Fais voir ! écoute, le pantalon, non, le slim noir, si tu veux passer inaperçue, oublie ; mais la tunique, tu peux très bien la mettre avec un jean, ce sera bien. Pas trop voyant, pas mal du tout.

 

Visiblement, sa sœur n’avait pas reconnu dans l’armoire la tenue de la belle du Nouvel An ; mais elle avait bien peur que sur elle, ce soit différent. Comment faire ? Le jour venu, elle s’habilla en rusant ; la tunique, mais rentrée dans son jean, et avec un pull fin par-dessus, pour cacher les motifs les plus importants. Des Converse, un blouson, rien pour se faire remarquer dans cette assemblée de fans. Seul luxe : ses boucles d’oreilles, ou plutôt celles de sa mère. Impossible de faire sans, elle savait que sa sœur lui ferait une crise si elle s’apercevait qu’elle ne les portait pas, c’était son cadeau après tout, il valait mieux ne pas attirer son attention en faisant comme si c’était l’occasion rêvée de les porter. Ses sœurs étaient toutes les deux magnifiques, chacune dans leur genre, la modeuse un peu vamp et la grunge total style. Leur mère faisait même l’effort de les conduire en voiture, leur évitant ainsi un long trajet en bus, mais aussi probablement pour se rassurer en jetant un coup d’œil même extérieur sur les lieux.

 

« Bon, maman, tu nous laisses là, tu vas quand même pas nous déposer juste devant, la honte ! » Devant l’injonction sans appel de sa plus jeune fille, la mère obtempéra, non sans avoir répété ses conseils, de rester toujours ensemble, de ne pas se laisser entrainer par n’importe qui, et d’être rentrées à la nuit tombante, ce qui en cette saison ne leur laissait pas une grande latitude. Munies chacune de leur laissez-passer imprimé, elles se dirigèrent vers le gymnase, attirées par un flot d’ados sur leur trente et un qui se déversaient des bus sur l’avenue. Il était fou ce type, autant chercher une aiguille dans une botte de foin !

 

A l’intérieur, tout semblait bien organisé ; des carafes de jus de fruits et des bouteilles d’eau avaient été disposées sur des guéridons autour de la salle ; au centre, des gradins, devant une scène ; Un concert gratuit ? La classe ! Les arrivantes s’installaient peu à peu, à la place inscrite sur leur ticket. Mais quand les sièges furent pratiquement tous occupés, elles s’aperçurent que ce n’était pas d’un concert qu’il s’agissait. Un animateur arriva sur scène pour leur expliquer. Quelques-unes d’entre elles seraient tirées au sort pour participer à un quizz sur scène : leurs réponses aux questions posées permettraient peu à peu de désigner la gagnante de l’après-midi, qui aurait la chance de figurer sur le prochain CD de Léo Leroy. L’excitation montait dans la salle, à ce rythme elle serait bientôt au bord de l’explosion. L’animateur en rajoutait, en rajoutait… Si Sandra avait su ce qui l’attendait, elle aurait certainement refusé plus fermement !

 

Et puis Léo Leroy, le beau Léo, entra sur scène, et alla s’assoir dans un fauteuil. Le silence se fit dans la seconde. Tous les yeux, médusés, se tournaient vers lui. Le chanteur détenait-il une force hypnotique peu commune, ou les jeunes filles étaient-elles, d’emblée, une proie facile ? Sandra, quant à elle, baissait les yeux, ses joues avaient rosi légèrement, son cœur s’accélérait. Du calme, ma fille, sinon tu auras du mal à passer inaperçue. Le gong sonna : première appelée sur scène, une blonde aux longs cheveux raides assise au deuxième rang, et le flot des questions commença, ou plus exactement, un tout petit nombre de questions, une par fille appelée, mais enveloppée dans d’innombrables circonlocutions pour faire du buzz. Peu à peu, on quitta les généralités. « Par quel signe, Léo désignera-t-il son accompagnatrice : un parfum ? un bijou ? un vêtement ? » Après plusieurs hésitations, le bijou sortit gagnant. Il fallut encore un peu de temps pour nommer la boucle d’oreille. Chaque fille présente dans la salle cherchait autour d’elle les oreilles de ses voisines, ou encore mieux, si une fille n’aurait eu qu’une boucle, mode au demeurant assez fréquente. Sandra serrait ses deux lobes, rassurée du subterfuge qui lui évitait probablement des questions gênantes de ses sœurs. « Mais qu’est-ce qu’il veut avec ses boucles ? ça n’a pas de sens ! »

 

Le jeu avançait, on en était maintenant à la description de la boucle, peu à peu on en arriverait bien au bouquet de roses. Impossible de se lever pour aller aux toilettes, ni d’échapper aux regards mi-inquisiteurs, mi-envieux qui se posaient de plus en plus lourdement sur elle. Ses sœurs essayaient de la protéger, ou de la cacher, mais rapidement le mouvement de regards se fit plus insistant, au point que l’animateur monta dans l’allée avec son micro : « Venez, Mademoiselle ! » Sandra tourna les yeux désespérément, comme si elle n’avait rien entendu. « Oui, vous, mademoiselle, avec la jolie tunique colorée. Vous portez bien des boucles d’oreilles, je ne les distingue pas, venez nous les montrer de plus près. » Sa sœur  ainée fulminait, c’était quand même elle qui les avait achetées, ces boucles. C’est à elle qu’aurait dû revenir l’honneur ! Et en plus elle avait insisté pour l’emmener, quelle cruche ! Et maintenant, qui serait sur scène ? Pas elle. Gagné ! Quant à la plus jeune qui, en dépit de ces mièvreries romantiques se serait bien vue propulsée dans le monde du show biz, elle en profita pour décocher à Sandra, au moment où elle se levait pour rejoindre l’allée centrale, un de ces coups de pied dans les tibias dont elle avait perdu l’habitude depuis quelques semaines.

 

Trébuchante, rougissante, la jeune fille suivit l’animateur jusqu’au podium, aveuglée par les projecteurs, sur le point d’étouffer sous la chaleur qui l’envahissait.



03/04/2010

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